La justice souffle sur les braises, alors que l’on n’entendait plus parler de lui… Souvenez-vous, il y a trois ans – en mars/avril 2010 – ce volcan familier des islandais, devenait Risque Majeur, en nous envoyant, via des vents mauvais, un nuage de cendres et de fumée, dont l’Europe se serait bien passée. Aujourd’hui, les hommes règlent leurs comptes. Voici, dans leur version moderne, David et Goliath, le pot de fer et le pot de terre, revus et corrigés : une Compagnie aérienne contre une voyageuse, Ryanair contre Madame McDonald. Ou, plutôt, l’inverse. Car c’est Denise McDonald qui a poursuivi en justice Ryanair, qui n’avait pas trop souhaité lui rembourser les 1130 € qu’elle lui réclamait, après avoir été bloquée neuf jours au Portugal, par défaut de vol retour.

La Cour européenne de justice a rendu son verdict. Suivant les réquisitions de l’avocat général, elle a ordonné le remboursement des factures. La Cour a estimé que le droit communautaire ne pouvait pas, dans une classification d’événements, reconnaître une nouvelle catégorie supérieure d’événements, à savoir les «événements particulièrement extraordinaires», au-delà des «événements extraordinaires». Ce qui, en soi, n’a rien d’extraordinaire, tant le classement d’événements pourrait prendre une dimension encore plus extraordinaire !!! Mais faut-il pour autant ne pas se poser quelques questions ? Est-ce aux compagnies aériennes de supporter le coût induit par ce genre de situation ? En l’occurrence, les Etats, ont-ils été sans défaut, avec, par exemple la mesure du principe de précaution, peut-être menée, pour certains, à l’extrême ? L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, a-t-elle bien géré le dossier de bout en bout ? Les assureurs, n’ont-ils pas leur part à prendre ? Et les contrats d’assistance, ne devaient-ils pas jouer ? Poussons le bouchon : les tour-opérateurs, les organismes de voyages, les agences n’ont-elles pas à être partie prenante ? Mieux : pourquoi ne pas impliquer les offices de tourisme, les hôtels, les restaurants, l’ensemble des partenaires touristiques ? Après tout, ce sont bien eux qui attirent – ou non – le client, par la publicité, les promos et autres offres alléchantes ! Et puis, pendant qu’on y est, attaquons les médias qui ont été les vecteurs de communication des uns et des autres ! Et n’oublions surtout pas les réseaux de distribution qui mettent à disposition du public, les supports sur lesquels s’exhibent les textes et photos attirants. On peut sûrement allonger la liste. Dites : qui est responsable ?

Ryanair grogne. Elle estime que, désormais, les passagers réclameront trop facilement des dédommagements. C’est tout à fait possible, ne soyons pas nés de la dernière pluie. Vous aurez toujours des petits malins qui voudront gagner sur tous les tableaux. Alors… Alors, au bout du compte, le low-cost sera de moins en moins low et Miss McDonald et les autres, devront s’abstenir de partir ou partir moins souvent ou moins loin ou accepter de prendre, au minimum, une part des frais, en cas de problème équivalent rencontré. Il va y avoir de l’augmentation dans l’air ! A propos, n’existe-t-il pas des transports de substitution ? Dans le cas qui nous occupe, train ou car + bateau, il ne fallait pas neuf jours pour effectuer le retour Portugal/Irlande ! Le tout, dans un confort très acceptable. Enfin, plus sérieusement, élargissons la réflexion. Les européens qui ont subi le tsunami en 2004, ceux qui sont revenus du Japon en 2011, ceux qui ont échappé à l’attentat des Tweens en 2001, ceux qui fuient des dictatures, des combats, des enlèvements possibles, un peu partout en Afrique, au Moyen Orient et ailleurs, depuis des années, pour eux, qui a payé ou paie leurs frais de rapatriement ? Leur entreprise, quand ils en dépendent, mais est-ce à elle, seule, de le faire ? Sinon, qui doit payer : un transporteur, aérien ou pas, un Etat, une société d’assistance, eux ? Qui ? Dites : qui est responsable ?


Bernard Sautet

12 février 2013